Particules acides et délétères, d'après le sulfureux Houellebecq
L'ayant vu hier soir sur Arte, j'ai apprécié Les Particules élémentaires, "librement" adapté du sulfureux best-seller de Michel Houellebecq, dont je connaissais déjà la réputation non moins sulfureuse, et le roman (et son adaptation filmique) - son premier, je crois - Extension du domaine de la lutte, au propos désespéré et à la dérangeante lucidité.
N'ayant pas lu ledit roman éponyme, je m'étonne d'ailleurs de lire - ici et là -, à propos de ce film, qu'il est "assez fidèle" à l'oeuvre originale (même si fort logiquement "réducteur", comme le sont quasiment toutes les adaptation cinématographique de livres, n'est-ce pas ?) alors que l'annonce « adapté de l'oeuvre de Michel Houellebecq » qui le présente est précisément introduite par l'adverbe (décomplexant) "librement" ...
A l'instar d'Extension..., tout aussi controversé, ce récit met en scène des personnages - masculins & féminins, tous parfaitement crédibles (incarnés par un quatuor d'acteurs convaincants - pour ne pas dire excellents - au premier rang desquels Moritz Bleibtreu, qui s'impose dans la partition ingrate et ambigüe du douloureux et pathétique Bruno), - déprimés, en proie à l'indigence affective (misères sentimentale et sexuelle) ainsi qu'à la détresse psychique, supérieurement intelligents mais souffrants d'une trop grande acuité, leur regard sur le monde étant là encore d'une insoutenable et froide lucidité. Une histoire tragique nous est contée en alternance avec une autre qui l'est à peine moins (deux demi-frères, à peine quadragénaires et que tout oppose, se heurtent chacun au gâchis de leurs existences respectives).
Racisme, dérapage scabreux d'un prof sur son élève "provocante" (mais n'était-ce pas subjectif, finalement ?), divorce brutal, dépression nerveuse, internement (volontaire) en hôpital psychiatrique, avidité sexuelle morbide et pernicieuse, avortement destructeur, suicide, amertume, atermoiements pusillanimes et culpabilité, tel est le programme de cette plongée dans l'enfer sordide d'hommes (humains) tyrannisés par leurs pulsions sexuelles inassouvies et prégnantes.
Houellebecq, dans son livre paru en 1998, appuyait là où ça fait mal, malmenant ses héros avec une cruauté qui n'excluait pas l'empathie (certains personnages - la mère hippie démissionnaire, Bruno, "Michel" - sont à l'évidence autobiographiques), et à l'écran, ça reste dérangeant, glauque même, mais jamais gratuit et finalement émouvant.
Bref, je ne vous le conseillerai pas sans quelque avertissement : à éviter de visionner un soir de vulnérabilité, déprime et autre faiblesse morale...
Ultime conseil : ne pas (trop) tenir compte de la critique qui l'a pas mal éreinté à sa sortie en salles, l'an passé ; cette même critique qui n'en finit pas de creuser la fracture sociale avec un lectorat qui se priverait là d'un film sans prétention (comme peut-on en avoir en illustrant un roman, forcément plus évocateur, riche et puissant ?) mais finalement efficace, quand il regrette d'avoir docilement couru voir un sommet de vacuité (le dernier Christophe Honoré, par hasard ? ) encensé par une presse (trop) complaisante.
Les Particules élémentaires (Allemagne, 2006), réalisé par Oskar Roehler.
Avec Moritz Bleibtreu, Christian Ulmen, Franka Potente et Martina Gedeck.
A signaler, pour ceux qui l'auraient manqué hier soir et les autres curieux intrigués par cet article, que le film fera l'objet de deux rediffusions sur Arte dans le courant du mois de décembre : le 17.12.2009 à 01:00 et le 21.12.2009 à 03:00.