Je suis une légende : le vertige de la solitude de Vincent Price à Will Smith

J'escompte, très modestement et dans un style nettement moins exhaustif et méthodique, simplement faire

Et bien évidemment, je lirai le roman à l'occasion (car je ne l'ai pas encore lu, non ! =P ), me contentant ici de m'appuyer sur le précieux rapport de Shin que vous pourrez découvrir (c'est un conseil !) ici (merci à lui pour la permission) >>>>>>>>> Je suis une légende, par Shin
C'est donc Will Smith qui incarne ce coup-ci Robert Neville, ce survivant unique à l'extinction foudroyante de la race humaine dans un futur proche, sous l'effet d'une mystérieuse pandémie. En sa qualité de savant militaire (alors qu'il n'était que "simple" ouvrier dans le récit original), Neville n'aura de cesse de chercher à mettre au point un antidote à ce virus surpuissant et omniprésent ; un antidote plutôt qu'un vaccin, donc, car la prévention n'a plus aucun sens dans ce New-York (Los Angeles dans le roman et les précédentes adaptations) vidé de toute humanité et bouffé par la végétation depuis quatre longues années d'abandon humain.

Dans les films de 1964 (avec Vincent Price) et 1971 (avec l'ami des flingues, j'ai nommé Charlton Heston), il était simplement question pour Neville de répertorier, dans une tentative bien dérisoire, les terriers de vampires qui peuplent désormais la planète (enfin Los Angeles/New-York, mais du point de vue américain, on ne s'intéresse jamais à ce qui sort de cet axe essentiel...) ; pour ce faire, on traque et on extermine, avec toutefois une différence dans le choix des armes selon le film et, sans doute, le profil de l'acteur. C'est ainsi que Price, figure notoire des films macabres fameux de Roger Corman, notamment, s'acharne logiquement à coups de pieux qu'ils fabrique en quantité industrielle ; tandis que Charlton Heston a certainement dû faire

Bref, on essaie, dans chacune des versions, de quadriller rigoureusement une surface gigantesque, d'où cet autre sensation de vertige qui s'ajoute à celle d'être le dernier représentant d'une espèce qui prétendait tacitement à une pérénnité infinie.
Surtout, le vertige de comprendre que la réalité s'est à ce point inverser, négativisée, que l'on est arrivé à cette conjoncture monstrueuse où un homme est effectivement devenu le dernier specimen d'une civilisation révolue, disparue, éteinte (cf. la pertinente démonstration de Shin sur la triste ironie du sort qui a finalement vu la transformation de l'exception en règle et inversement, via l'inattendue permutation des rôles dans ce jeu du chat et de la souris que sont les vieilles croyances populaires autour du vampirisme ; et poussant au bout d'elle-même la logique infernale de la menace épidémique).
Cette notion de vertige peut aussi se percevoir dans la liberté trop immense et trop soudaine qui s'offre à Neville par la force des choses ; une liberté qui en devient du coup aberrante, absurde, grotesque même.
C'est d'ailleurs peut-être là que se trouvent les meilleures propositions du film récent de Francis Lawrence (réalisateur précedemment du divertissant et roublard Constantine dans lequel Keanu Reeves peut capitaliser sans trop se fouler sur ses acquis matrixiens).
En effet, si l'on peut certes se gausser de voir Robert 'Will Smith' Neville rapporter consciencieusement les DVD qu'il emprunte dans un magasin uniquement fréquenté par les mannequins qu'il y a placés pour un simulacre de vie sociale et d'animation (on est toutefois loin de l'agitation frénétique qui a dû jadis caractériser ce quartier de Big Apple !), on doit malgré tout saluer l'intérêt de telles séquences durant lesquelles le casting prend tout son sens ; car Smith/Neville nous offre alors quelques savoureux témoignages de la fascinante auto-discipline à laquelle il s'astreint comme on se raccroche à une branche vaillante dans la tempête. Ou plus exactement à la corniche au-dessus du vide. Car cette idée de vide est si pregnante dans les deux premiers tiers de cette adaptation - pas si redondante qu'elle n'y parait - qu'elle induit en permanence cette atmosphère vertigineuse, désolée, voire carrément dépressive.

A noter que dans chacune des variations, on retrouve ce personnage féminin ; mais, à part dans la première

Quant au chien, il semble également tenir un rôle analogue au roman en 1964, puis disparait en 1971 (si ma mémoire est bonne) pour revenir en 2007 et tenir un rôle capital aux côtés de son maître esseulé, dans une relation (dramatiquement) exclusive qui mènera à la plus déchirante scène du film...
Car le film ne manque pas complétement d'émotion ; et si Neville/Smith parait effectivement moins friable que Vincent Price ou que le personnage original (qui tutoient l'alcoolisme - Charlton Heston boit aussi pas mal de whisky dans sa version, mais on ne peut s'empêcher de penser qu'en cela il s'inscrit davantage dans son rôle monolithique de cowboy moderne, viril et plastronneur), il affiche néanmoins de profondes félûres, notamment dans cette scène poignante où, livré à lui-même et en plein désarroi, il exige pathétiquement une parole d'un mannequin, aveuglé par le chagrin et la lassitude . Sa mise en scène, jusqu'alors cocasse et ludique, se retourne ainsi cruellement contre lui, enfermé dans un monde désespérément silencieux.

Sans parler de ce message "subliminal" que l'industrie du disque et du cinéma nous fait "subtilement" passer via le comportement scrupuleux et civique de Smith/Neville.
Et quid de ces fameux "infectés" ? Ils étaient initialement hybrides entre vampires et zombies, pugnaces,

Des méchants craignos (leur corps semble presque élastique, c'est assez curieux et déconcertant O_ô) qui, en outre, ne pensent pas plus loin que leur estomac : voilà bien de quoi nous faire regretter le climat oppressant d'une entame prometteuse...
Dommage. =/

The last man on Earth de Sidney Salkcow & Ubaldo Ragona, 1964, avec Vincent Price.
Le Survivant (The Omega Man) de Boris Sagal, 1971, avec Charlton Heston.
Je suis une légende (I Am Legend) de Francis Lawrence, 2007, avec Will Smith.